par Noël Communod
Extrait du Livre blanc pour la création de la Région Savoie - juin 2003, édité par l’association « La Région Savoie, j’y crois ! »
En application des nouveaux articles constitutionnels qu’il vient de faire adopter, le gouvernement va organiser la consultation des Corses par referendum sur une nouvelle proposition d’organisation institutionnelle. Au nom du sacro-saint principe de l’égalité de traitement des territoires, la Savoie trouve là un argument supplémentaire pour demander que la Constitution puisse s’appliquer à son propre souhait de création d’une région unidépartementale. Le Gouvernement n’aura plus aucune raison légale de s’opposer à une demande de la majorité des élus de Savoie d’organiser un referendum. Il n’aura plus aucune raison de refuser à la Savoie ce qu’il a proposé pour la Corse.
En effet, l’argument premier avancé par M. Sarkozy pour défendre son projet de loi sur la Corse a été « la mise en cause récurrente et inacceptable de la légalité en Corse ». Suffit-il donc de poser des bombes pour obtenir un statut particulier ? Cela n’a jamais été l’état d’esprit des Savoyards. Pourquoi les Corses seraient-ils traités hors la République ?
Comparons maintenant ce qui est prévu pour la Corse et souhaité par les Savoyards :
Le referendum
En Corse
Sur proposition du Gouvernement, le Parlement est appelé à voter une loi s’appuyant sur le nouvel article 72-1 de la Constitution permettant « lorsqu’il est envisagé de créer une collectivité territoriale dotée d’un statut particulier ou de modifier son organisation… de consulter les électeurs inscrits dans les collectivités intéressées. » Les électeurs de Corse vont donc être consultés par referendum sur les orientations de modification de l’organisation institutionnelle de l’île. Il s’agit d’un referendum d’initiative gouvernementale résultant de l’absence de consensus en Corse sur les solutions institutionnelles ; en effet, les deux conseils généraux se sont prononcés en décembre 2002, contre leur propre disparition.
En Savoie
En Savoie, il ne serait pas nécessaire d’avoir recours à une initiative gouvernementale, au demeurant fort peu probable. Il suffirait d’un vote des deux assemblées départementales demandant au Gouvernement d’organiser ce referendum. Nous savons qu’une majorité d’élus y serait favorable, tant l’idée du rapprochement des deux départements a progressé dans les esprits. En décembre 2002, 95% des conseillers généraux des deux départements ont voté pour une solution d’émancipation par rapport à Rhône-Alpes.
L’entité nouvelle à créer serait la Région Savoie et les électeurs à consulter, ceux des deux départements, collectivités intéressées, selon les termes de la Constitution et non pas tous les habitants de Rhône-Alpes, comme le disent certains.
Nous proposons en annexe du « Livre blanc pour la création de la Région Savoie »(1) le texte de la proposition de loi qui serait à déposer par nos parlementaires savoyards (cinq d’entre eux sur huit y sont favorables).
Enfin, si d’aventure et sur pressions externes, nos conseillers généraux ne se saisissaient pas eux-mêmes pour effectuer ce vote, la Constitution a maintenant prévu le droit de pétition pour leur demander d’inscrire ce vote à l’ordre du jour de leurs assemblées.
Une collectivité territoriale unique
En Corse
La Corse sera organisée en une seule collectivité territoriale qui se substituera à l'actuelle collectivité territoriale et aux deux départements de la Haute-Corse et de la Corse-du-Sud. Cette collectivité territoriale exercera les compétences qui incombent aujourd'hui à chacun des départements et celles qui résulteront des futures lois générales de décentralisation.
L’existence des communes ne sera pas remise en cause.
La collectivité unique aura la personnalité juridique. Elle sera seule habilitée, aux côtés des communes et de leurs groupements, à percevoir l'impôt et à recruter du personnel. Son assemblée délibérera sur les affaires de la Corse.
En Savoie
En ce qui concerne la Savoie, nous n’aurions pas même un iota à changer dans ce texte ; il nous conviendrait parfaitement.
III. Une collectivité déconcentrée
En Corse
La collectivité unique comprendra deux circonscriptions administratives dépourvues de la personnalité juridique, dont les limites territoriales seront celles de la Haute-Corse et de la Corse-du-Sud. Ces circonscriptions seront le ressort de deux assemblées, composées des membres de l'Assemblée de Corse élus dans ce ressort, appelées conseil territorial de la Corse et conseil territorial de la Corse-du-Sud. Ces conseils disposeront de dotations de crédits qui leur seront délégués, dans le cadre du budget de la collectivité unique. Ils mettront en œuvre, y compris dans le domaine financier, et en agissant toujours pour son compte et selon les règles qu'elle aura fixées, les politiques de la collectivité unique :
soit par l'exercice d'attributions qui leur seront explicitement confiées par la loi, et qui s’inspireront de celles exercées par les actuels conseils généraux ;
soit par l'exercice d'attributions qui leur seront données par l'Assemblée de Corse.
L’objectif du nouveau statut est de préserver le rôle de proximité que jouaient les départements en attribuant aux conseils territoriaux de la Haute-Corse et de la Corse-du-Sud des compétences adaptées à cet effet, en garantissant à l’ensemble de la population des interlocuteurs facilement identifiables et accessibles.
De même, la collectivité unique pourra confier, dans des conditions fixées par la loi, la mise
en œuvre de certaines politiques aux communes ou à leurs groupements.
En Savoie
Tout cet arsenal législatif de maintien de deux entités qui reprennent les activités et les personnels des deux départements sans en garder l’appellation ne sont qu’une mesure de compromis visant à ménager les anciens conseils généraux qui ont voté contre la collectivité territoriale unique. Pourtant tous les audits réalisés ont fait valoir les sureffectifs, les doublons et les gaspillages. Mais politique oblige ! Les départements de Savoie, qui n’ont pas tous ces travers, n’auront pas à souffrir de la fusion des deux départements ; les mesures à prendre ne seront que d’organisation et de rationalisation. Ni les élus, ni les fonctionnaires territoriaux n’auraient à craindre cette fusion ; il n’y aurait donc pas lieu d’envisager le montage tel qu’il est prévu en Corse avec les conseils territoriaux.
La Région Savoie, qui serait quatre fois plus peuplée que la Corse, aurait proportionnellement deux fois moins de fonctionnaires et une organisation beaucoup plus simple. Toutes les compétences des départements seraient assumées par la région. Le rôle de proximité serait assuré par les cantons et les intercommunalités.
IV. Élections
En Corse
Les membres de l’Assemblée de Corse et des conseils territoriaux seront élus dans le cadre d’une seule circonscription électorale correspondant à l’ensemble de la Corse. L’élection aura lieu au scrutin de liste à la représentation proportionnelle, avec une prime majoritaire dans le cadre de secteurs géographiques, de façon à assurer à la fois la représentation des territoires et la représentation des populations, tout en respectant le principe constitutionnel de la base essentiellement démographique de l’élection. Le mode de scrutin garantira le respect du principe de parité entre hommes et femmes. Ce seront donc les mêmes élus qui siégeront à la fois à l’Assemblée de Corse et dans l’un ou l’autre des deux conseils territoriaux de la Haute-Corse et de la Corse-du-Sud, en fonction des secteurs dans lesquels ils sont élus. La collectivité de Corse et les conseils territoriaux de la Haute-Corse et de la Corse-du-Sud seront dotés d’organes exécutifs chargés de mettre en œuvre leurs décisions : comme c’est le cas actuellement, la collectivité de Corse aura un conseil exécutif collégial responsable devant l’Assemblée ; les conseils territoriaux éliront un président chargé des fonctions exécutives.
En Savoie
Comme nous l’exposons plus loin, le système électoral de l’Assemblée de Savoie reste à définir.
Le plus simple serait de reconduire (après re découpage éventuel) les cantons actuels des
deux départements. Pour le mode de scrutin, tout reste ouvert.
V. Compétences
En Corse
La collectivité unique disposera d'une compétence générale pour les affaires de la Corse.
L’Assemblée de Corse sera compétente pour arrêter les politiques de la collectivité territoriale de Corse qu’elle entend mener, en assurer la planification et la programmation et en fixer les règles générales de mise en œuvre. Elle pourra confier cette mise en œuvre aux conseils territoriaux de la Haute-Corse et de la Corse-du-Sud, pour des raisons de bonne gestion, notamment de plus grande proximité avec la population, dans des conditions qu’il lui appartiendra de définir.
La loi réservera aux conseils territoriaux de la Haute-Corse et de la Corse-du-Sud des compétences de proximité telles que la gestion de l'aide sociale, l'entretien des routes ou les aides aux communes. Ces compétences s'exerceront dans un cadre défini par l’Assemblée de Corse, au moyen des budgets qu'elle mettra à cette fin à la disposition des deux conseils.
L’Assemblée de Corse pourra aussi déléguer aux conseils territoriaux des compétences supplémentaires lorsqu'elle jugera opportun de rapprocher les centres de décision des administrés.
Toutefois, l’exercice de certaines compétences, qui engagent la cohérence des décisions
prises au niveau de la Corse et l’unité des politiques publiques, ne pourra être délégué, (par
exemple : la détermination du régime des aides aux entreprises ou l’élaboration du plan d’aménagement de la Corse).
En Savoie
Hormis les délégations aux Conseils territoriaux qui n’existeraient pas en Savoie, le texte
rait nous convenir. Nous consacrons un long chapitre du « Livre blanc » à toutes les compétences que la Région Savoie pourrait exercer elle-même, soit légalement, soit en expérimentation.
VI. Organisation administrative
En Corse
Le siège de l'Assemblée de Corse restera fixé à Ajaccio.
Les services administratifs actuels des départements seront transférés à la collectivité territoriale.
Celle-ci les mettra, en tant que de besoin, à la disposition des conseils territoriaux,
ainsi que tout autre service relevant de son autorité.
Le conseil territorial de la Haute-Corse siégera à Bastia et celui de la Corse-du-Sud à Ajaccio.
L'organisation des services de l’État sera adaptée en veillant au respect de l'équilibre entre
toutes les parties de l'île. Un préfet installé à Ajaccio représentera l’État dans la collectivité
territoriale de Corse. Il sera assisté pour la circonscription administrative de la Haute-Corse
d’un préfet installé à Bastia.
En Savoie
La Savoie n’aurait plus qu’un seul préfet. Il serait à Chambéry et l’assemblée à Annecy (ou
inversement). Les différents services régionaux seraient répartis entre les principales villes.
La notion de capitale, notion éminemment jacobine serait-elle vraiment nécessaire ? Aucun
texte ne la prévoit.
En conclusion, il apparaît que la solution retenue par le Gouvernement pour la Corse d’une Région unidépartementale serait la plus efficace et la plus pertinente également
pour la Savoie.
Sa mise en œuvre serait beaucoup plus simple qu’en Corse, plus performante et elle pourrait servir de modèle de simplification administrative à d’autres régions françaises.
Il ne manque plus que le sursaut politique de nos élus savoyards pour transformer l’essai !
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(1) « Livre blanc pour la création de la Région Savoie » - juin 2003 – 200 pages – 15,25€ - édité par l’association « La Région Savoie, j’y crois ! » BP 2 – 74540 VIRY
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